Monument discret mais profondément enraciné dans son terroir, l’église paroissiale de Barriac (Clocher et chevet inscrits à I.S.M.H., 1927) résume quelques douze siècles de l’histoire du christianisme en Haute Auvergne. A l’aube des temps carolingiens, la charte dite de Clovis, polyptyque du VIIIème siècle qui recense les biens auvergnats de l’abbaye St Pierre le Vif de sens, nous apprend l’existence à Barriac ("in villa beriac") d’un oratoire dédié à st Martin de Tours, l’apôtre des Gaules. Hormis la dédicace à St Martin, il ne subsiste aujourd’hui aucune trace de cet édifice sans doute assez rudimentaire.
A ce premier lieu de prières a succédé au XIIème siècle une église de style roman composée d’une nef prolongée d’un chœur carré, lui-même terminé par une abside circulaire, en cul de four selon le plan classique de l’antique "cella". Une tradition rapportée par plusieurs auteurs veut voir dans cette seconde église la chapelle du château féodal, berceau de la famille de Barriac, qui s’élevait sur la butte dominant le village… Quoi qu’il en soit de ces conjectures, c’est bien le chœur et l’abside du monument du XIIème siècle qui sont parvenus jusqu’à nous avec leur suite de modillons sculptés qui nous plongent brutalement dans l’univers mystérieux du Haut Moyen Âge. Courant le long du chevet, la ronde démoniaque des faces grimaçantes et des monstres obscènes semble vouloir, en effet, séparer à jamais, de part et d’autre de l’épaisse muraille, la vertu du vice, le bien du mal et la lumière des ténèbres.
Dans les siècles qui suivirent, l’église de Barriac connut le sort de beaucoup d’autres sanctuaires romans du pays. Le chœur et l’abside, parties les plus solides de l’édifice, résistèrent aux affronts des hommes et du temps tandis que la nef, partiellement en bois, était détruite puis reconstruite aux époques plus tranquilles. C’est ainsi qu’au XIVème et XVème siècles, après la construction du clocher à peigne, arrimé par de puissants contreforts, furent ajoutées deux chapelles dédiées respectivement à Saint Louis et à Saint Martin dans une style gothique de transition comme l’arc doubleau qui sépare la nef et la travée voisine du chœur.
Bien plus tard, dans le courant du XIXème siècle, une campagne de réparations, motivée par un souci louable, mais moins inspiré, de symétrie et de commodité (création de deux chapelles au midi et ouverture d’une porte sur le pignon ouest) allait selon l’esprit du temps -entre St Sulpice et Viollet le Dus- conférer à l’église l’aspect qu’elle a aujourd’hui.
A l’intérieur, le caractère roman de cette partie de l’édifice n’est guère apparent. Les piliers de l’arc séparant le chevet et le chœur ont été arasés au XIXème siècle jusqu’à une hauteur d’environ deux mètres, pour loger un nouvel autel. Surtout, murs et voûtes ont été peints, sans doute dans la première moitié du XIXème siècle, d’un élégant décor à caissons, qui n’est pas en mauvais état. Des sondages, prévus dans une deuxième tranche de travaux, pourront dire s’il recouvre des peintures plus anciennes.
Tous les vitraux sont l’œuvre de Charles Borie, verrier du Puy ; la commande est d’août 1949 ; le vieux maître (1877-1951) y fait preuve de son meilleur talent narratif, qui sait animer les sujets les plus classiques. On remarque particulièrement le vitrail représentant le martyre de l’abbé Filiol, enfant de la paroisse, guillotiné à Mauriac en 1793 sous les murs de l’église : le bonnet phrygien du bourreau et la guillotine ne font pas partie de l’iconographie habituelle…
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